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TRANSCRIPTION

Auteur

❧ A noble et puissant Seigneur, Monsieur Antoine de Muillon, Baron de Bressieux, frere du susdict Seigneur de S. Pierre

Si nous mettons jour et nuict nostre peine,
Pour acquerir la richesse incertaine,
(Noble puissant et vertueux Seigneur)
Si nous mettons pareillement le cueur,
A pervenir aux honneurs de ce Monde,
Et estimons celuy là qui s’y fonde,
A son endroit le faire honnestement :
Il m’est advis, qu’on doibt premierement,
Mettre son cueur, et une peine telle,
Pour acquerir une chose immortelle.
Pour acquerir un bien, de si hault pris,
Que tresheureux est, qui l’aura compris.
Ce bien (Monsieur) n’est sinon Amytié,
Qui entretient le Monde de moitié,
Quoy de moitié ? mais (ainsi qu’ont escrit
Tous bons Autheurs, de sçavoir, et d’esprit)
Bien, sans lequel du Monde la machine,
Seroit bien tost renversée en ruine.
Car sans Amour, il n’est possible veoir,
Chose qui soit, venir à son debvoir.
Sans Amytié, nobles chasteaulx, et villes,
Tantost seroyent desertes, et trop viles,
Sans Amytié, il n’est Duc, Roy, ou Prince,
Qui deuément regentast sa Province.
Sans Amytié, auroit disjunction,
Où nous veoyons grande conjunction.
Sans Amytié (pour brefvement finir)
Verrions tantost le Monde definir.
Cecy je dy (Baron tresvertueux)
Car m’est advis estre un heur merveilleux,
En quelque Bien ou estat, qu’on soit mis,
Avoir pour soy de vrays et bons Amys.
Car c’est un faix duquel plus on se charge,
Moins l'on en sent ennuy, et griefve charge,
Et par ce poinct, j’ay esté enhardy,
Vous presenter mon escript estourdy.
Escript rustic, estant trop imperfaict.
Pour un Seigneur comme vous, tant perfaict.
Mais toutefoy produit d’affection,
Qui peut couvrir son imperfection.
D’affection, laquelle n’est point saincte,
D’affection, chassante toute craincte,
D’affection, qui a pied arresté,
Sur le pillier de vostre honnesteté.
Treshumblement par elle vous requiers
De vostre Amour un don, plus grand du tiers,
Voire du tout, que ne puis meriter :
Non pas (Monsieur) que je vueille heriter,
A vostre amour, en une equalité,
Car trop y a grande inequalité.
Je ne veulx point à vous pareil me dire,
De vous à moy, trop y a que redire.
Vous le pourrez toutefoy octroyer,
Sans, par ce don, de l’honneur desvoyer,
Vostre Amytié je vous requiers, mais non
De pair à pair, ou esgal compaignon,
Ains Amytié telle, que veoyons estre,
Entre un Valet et son Seigneur, et Maistre.
Je vous pry donc, des vostres m’estimer,
Et tout ainsi qu’un des vostres, m’aymer,
En me faisant ce bien, et cest honneur,
(Veu que vous tiens si liberal donneur)
De me tenir de ceulx qui sont servants,
D’estre à jamais de vos humbles Servants.
Source
Copiste

Claire Sicard

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